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Page:Cazotte - Le Diable amoureux.djvu/26

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Beaucoup de personnes n’ont vu dans le Diable amoureux qu’une sorte de conte bleu, pareil à beaucoup d’autres du même temps et digne de prendre place dans le Cabinet des fées. Tout au plus l’eussent-elles rangé dans la classe des contes allégoriques de Voltaire ; c’est justement comme si l’on comparait l’œuvre mystique d’Apulée aux facéties mythologiques de Lucien. L’Âne d’or servit longtemps de thème aux théories symboliques des philosophes alexandrins ; les chrétiens eux-mêmes respectaient ce livre, et saint Augustin le cite avec déférence comme l’expression poétisée d’un symbole religieux ; le Diable amoureux aurait quelque droit aux mêmes éloges, et marque un progrès singulier dans le talent, et la manière de l’auteur.

Ainsi cet homme, qui fut d’abord un poëte gracieux de l’école de Marot et de la Fontaine, puis un conteur naïf, épris tantôt de la couleur des vieux fabliaux français, tantôt du vif chatoiement de la fable orientale mise à la mode par le succès des Mille et une Nuits ; suivant, après tout, les goûts de son siècle plus que sa propre fantaisie, le voilà qui s’est laissé aller au plus terrible danger de la vie littéraire, celui de prendre au sérieux ses propres inventions. Ce fut, il est vrai, le malheur et la gloire