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Page:Cazotte - Le Diable amoureux.djvu/274

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mettre avec moi les hommes, les éléments, la nature entière ?

— Ô ma chère Biondetta ! lui dis-je, quoiqu’en faisant un peu d’efforts sur moi-même, tu me suffis : tu remplis tous les vœux de mon cœur…

— Non, non, répliqua-t-elle vivement, Biondetta ne doit pas te suffire : ce n’est pas là mon nom : tu me l’avais donné : il me flattait ; je le portais avec plaisir : mais il faut que tu saches qui je suis… Je suis le diable, mon cher Alvare, je suis le diable… »

En prononçant ce mot avec une douceur enchanteresse, elle fermait, plus qu’exactement, le passage aux réponses que j’aurais voulu lui faire. Dès que je pus rompre le silence : « Cesse, lui dis-je, ma chère Biondetta, ou qui que tu sois, de prononcer ce nom fatal et de me rappeler une erreur abjurée depuis longtemps.

— Non, mon cher Alvare, non, ce n’était point une erreur ; j’ai dû te le faire croire, cher petit homme. Il fallait bien te tromper pour te rendre enfin raisonnable. Votre espèce échappe à la vérité : ce n’est qu’en vous aveuglant qu’on peut vous rendre heureux. Ah ! tu le seras beaucoup si tu veux l’être ! je prétends te combler. Tu conviens déjà que je ne suis pas aussi dégoûtant que l’on me fait noir. »