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Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/34

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MEMOIRES DE BENVENUTO CELLINI

mon père, ne pouvant vivre sans me voir, me rappela près de lui. Alors, à mon grand chagrin, je me remis à jouer de la flûte jusqu’à quinze ans. Si je consentais à raconter les événements extraordinaires qui marquèrent ma vie jusqu’à cet âge, et les grands dangers auxquels je fus exposé, je frapperais le lecteur d’étonnement ; mais je veux être bref, et j’ai tant à dire, que je les laisserai de côté.

À l’âge de quinze ans, j’entrai, contre la volonté de mon père, dans l’atelier d’un orfèvre appelé Antonio di Sandro, et surnommé Marcone. C’était un très-bon praticien, fort homme de bien, noble et franc dans toutes ses actions. Mon père ne voulut pas qu’il me donnât un salaire comme aux autres apprentis, puisque j’apprenais cet art de ma propre volonté : il voulait que je pusse dessiner tout à mon gré. Je le faisais bien volontiers, et mon digne maître en était vraiment charmé. Il avait un fils unique naturel auquel il ordonnait souvent de me venir en aide. Grâce à mon désir d’avancer et à mes dispositions, j’arrivai en peu de mois à rivaliser avec les bons et même les meilleurs ouvriers, et je commençai à recueillir les fruits de mes travaux. Je ne laissais pas cependant, pour complaire à mon père, de jouer parfois de la flûte ou de sonner du cor, et jamais il ne m’entendait sans répandre des larmes accompagnées de profonds soupirs. Afin de le rendre heureux, souvent j’allais jusqu’à essayer de lui persuader que moi-même je me livrais avec grand plaisir à ces études.