Page:Cervantes - L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, traduction Viardot, 1837, tome 2.djvu/44

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les jeunes gens la lisent, les hommes la comprennent, et les vieillards la vantent. Finalement elle est si lue, si maniée, si connue de toutes sortes de gens, qu’aussitôt que quelque bidet maigre vient à passer, on s’écrie : « Voilà Rossinante. » Mais ceux qui sont le plus adonnés à sa lecture, ce sont les pages ; il n’y a pas d’antichambre de seigneur où l’on ne trouve un Don Quichotte. Dès que l’un le laisse, l’autre le prend ; celui-ci le demande, et celui-là l’emporte. En un mot, cette histoire est le plus agréable passe-temps et le moins préjudiciable qui se soit encore vu ; car on ne saurait découvrir, dans tout son contenu, la moindre parole malhonnête, ni une pensée qui ne fût parfaitement catholique. — Écrire d’autre manière, reprit Don Quichotte, ne serait pas écrire des vérités, mais des mensonges, et les historiens qui se permettent de mentir devraient être