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Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/189

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Parle, est-ce toi, Clytie, ou dois-je attendre encore ?
Ah ! si tu ne viens pas seule ici, chaque aurore,
Rêver au peu de jours où j’ai vécu pour toi,
Voir cette ombre qui t’aime et parler avec moi,
D’Élysée à mon cœur la paix devient amère,
Et la terre à mes os ne sera plus légère.
Chaque fois qu’en ces lieux un air frais du matin
Vient caresser ta bouche et voler sur ton sein,
Pleure, pleure, c’est moi ; pleure, fille adorée ;
C’est mon âme qui fuit sa demeure sacrée,
Et sur ta bouche encore aime à se reposer.
Pleure, ouvre-lui tes bras et rends-lui son baiser. »

Entre autres manières dont cela peut être placé, en voici une : Un voyageur, en passant sur un chemin, entend des pleurs et des gémissements. Il s’avance ; il voit au bord d’un ruisseau une jeune femme échevelée, tout en pleurs, assise sur un tombeau, une main appuyée sur la pierre, l’autre sur ses yeux. Elle s’enfuit à l’approche du voyageur, qui lit sur la tombe cette épitaphe[1]. Alors il prend des fleurs et de jeunes rameaux, et les répand sur cette tombe en disant : « Ô jeune infortunée… » (quelque chose de tendre et d’antique) ; puis, il remonte à cheval et s’en va la tête penchée et mélancoliquement ; il s’en va

Pensant à son épouse et craignant de mourir.

Ce pourrait être le voyageur qui conte lui-même à sa famille ce qu’il a vu le matin[2].

  1. L’épitaphe ci-dessus.
  2. Voyez une partie de ce canevas développé dans les élégies.