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Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/194

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Osé sortir du bois et bondir avec toi,
Te bêler mes amours et t’appeler à moi,
Les deux loups soupçonneux qui marchaient à ta suite
M’auraient vu. Par leurs cris ils t’auraient mise en fuite,
Et pour te dévorer eussent fondu sur toi
Plutôt que te laisser un moment avec moi.



XLVI[1]

L’ESCLAVE


Voici comme il faut arranger cela :

Dire en quatre vers que, sur le rivage de telle île (la plus près de Délos), un jeune esclave délien venait dire ceci chaque jour :


Ah ! vierge infortunée ! était-ce la douleur
Qui devait de ton front cueillir la jeune fleur !
Mais, oh oui ! que ton cœur soit nourri d’amertume,
Que des pâles regrets la langueur te consume,
Plutôt que si, crédule à de nouveaux amants,
Ils égaraient ta bouche en de nouveaux serments,
Et de vœux et d’amour enivrant ton oreille,
Ranimaient de ton front l’allégresse vermeille.
Ah dieux ! quand je péris ! quand l’absence et l’amour,
Me versent du poison sur chaque instant du jour,
Quand les rides d’ennui flétrissent ma jeunesse,
Si quelque audacieux et t’assiège et te presse,
Si sa main se promet de posséder ta main,

  1. Ed. G. de Chénier.