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Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/284

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Sa cellule de cire, industrieux asile
Où l’on coule une vie innocente et facile ;
De ne point vendre aux grands ses hymnes avilis ;
De n’offrir qu’aux talents de vertus ennoblis,
Et qu’à l’amitié douce et qu’aux douces faiblesses,
D’un encens libre et pur les honnêtes caresses !
Ainsi l’on dort tranquille, et, dans son saint loisir,
Devant son propre cœur on n’a point à rougir.
Si le sort ennemi m’assiège et me désole,
On pleure : mais bientôt la tristesse s’envole ;
Et les arts, dans un cœur de leur amour rempli,
Versent de tous les maux l’indifférent oubli.
Les délices des arts ont nourri mon enfance.
Tantôt, quand d’un ruisseau, suivi dès sa naissance,
La nymphe aux pieds d’argent a sous de longs berceau
Fait serpenter ensemble et mes pas et ses eaux,
Ma main donne au papier, sans travail, sans étude,
Des vers fils de l’amour et de la solitude ;
Tantôt de mon pinceau les timides essais
Avec d’autres couleurs cherchent d’autres succès
Ma toile avec Sappho s’attendrit et soupire ;
Elle rit et s’égaye aux danses du satyre ;
Ou l’aveugle Ossian y vient pleurer ses yeux,
Et pense voir et voit ses antiques aïeux
Qui dans l’air, appelés à ses hymnes sauvages,
Arrêtent près de lui leurs palais de nuages.
Beaux-arts, ô de la vie aimables enchanteurs,
Des plus sombres ennuis riants consolateurs,
Amis sûrs dans la peine et constantes maîtresses,
Dont l’or n’achète point l’amour ni les caresses,
Beaux-arts, dieux bienfaisants, vous que vos favoris