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Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/314

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XXVII[1]


Et c’est Glycère, amis, chez qui la table est prête ?
Et la belle Amélie est aussi de la fête ?
Et Rose, qui jamais ne lasse les désirs,
Et dont la danse molle aiguillonne aux plaisirs ?
Et sa sœur aux accents de la voix la plus rare
Unira, dites-vous, les sons de la guitare ?
Et nous aurons Julie, au rire étincelant,
Au sein plus que l’albâtre et solide et brillant ?
Certe, en pareille fête autrefois je l’ai vue,
Ses longs cheveux épars, courante, demi-nue :
En ses bruyantes nuits Cithéron n’a jamais
Vu Ménade plus belle errer dans ses forêts.
J’y consens. Avec vous je suis prêt à m’y rendre.
Allons. Mais si Camille, odieux ! vient à l’apprendre ?
Quel orage suivra ce banquet tant vanté,
S’il faut qu’à son oreille un mot en soit porté !
Oh ! vous ne savez pas jusqu’où va son empire.
Si j’ai loué des yeux, une bouche, un sourire ;
Ou si, près d’une belle assis en un repas,
Nos lèvres en riant ont murmuré tout bas,
Elle a tout vu. Bientôt cris, reproches, injure :
Un mot, un geste, un rien, tout était un parjure.
« Chacun pour cette belle avait vu mes égards.
Je lui parlais des yeux, je cherchais ses regards. »
Et puis des pleurs ! des pleurs… que Memnon sur sa cendre

  1. Édition 1819.