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Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/318

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De la seule beauté le flambeau passager
Allume dans les sens un feu prompt et léger ;
Mais les douces Vertus et les Grâces décentes
N’inspirent aux cœurs purs que des flammes constantes.


XXIX[1]


 De Pange, ami chéri, jeune homme heureux et sage,
Parle, de ce matin, dis-moi quel est l’ouvrage.
Du vertueux bonheur montres-tu les chemins
À ce frère naissant, dont j’ai vu que tes mains
Aiment à cultiver la charmante espérance[2] ?
Ou bien vas-tu cherchant dans l’ombre et le silence,
Seul, quel encens le Gange aux flots religieux
Vit les premiers humains brûler aux pieds des dieux ?
Ou comment dans sa route, avec force tracée,
Descartes n’a point su contenir sa pensée ?
Consumant ma jeunesse en un loisir plus vain,
Seul, animé du feu que nous nommons divin,
Qui pour moi chaque jour ne luit qu’avec l’aurore,
Je rêve assis au bord de cette onde sonore,
Qu’au penchant d’Hélicon, pour arroser ses bois,
Le quadrupède ailé fit jaillir autrefois.
À nos festins d’hier, un souvenir fidèle
Reporte mes souhaits, me flatte, me rappelle
Tes pensers, tes discours, et quelquefois les miens ;

  1. Édition 1819.
  2. Marie-Jacques Thomas, troisième frère de Pange, mort le 5 octobre 1850.