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Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/390

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Entrez : à ses genoux prosternez vos douleurs,
Le deuil peint sur le front, abattus, tout en pleurs ;
Et ne revoyez point mon seuil triste et farouche,
Que vous ne m’apportiez un pardon de sa bouche.


LXXXV[1]

ÉLÉGIE ITALIENNE


 
Tel j’étais autrefois et tel je suis encor.
Quand ma main imprudente a tari mon trésor,
Ou la nuit, accourant au sortir de la table,
Si Laure[2] m’a fermé le seuil inexorable,
Je regagne mon toit… là, lecteur studieux,
Content et sans désirs, je rends grâces aux dieux.
Je crie : Ô soins de l’homme, inquiétudes vaines !
Oh ! que de vide, hélas ! dans les choses humaines !
Faut-il ainsi poursuivre au hasard emportés
Et l’argent et l’amour, aveugles déités !
Mais si Plutus revient, de sa source dorée,
Conduire dans mes mains quelque veine égarée ;
À mes signes, du fond de son appartement,
Si ma blanche voisine a souri mollement :
Adieu les grands discours, et le volume antique,
Et le sage Lycée, et l’auguste Portique ;
Et reviennent en foule et soupirs et billets,
Soins de plaire, parfums et fêtes et banquets,

  1. Édition 1819.
  2. Le premier éditeur avait mis Fanny.