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Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/91

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De siècles ignorants à leurs pieds prosternés,
De richesses, d’aïeux vertueux ou prônés.
Douce égalité, sur leur bouche,
À ton seul nom pétille un rire âcre et jaloux.
Ils n’ont point vu sans effroi, sans courroux,
Ces élus plébéiens, forts des maux de nos pères,
Forts de tous nos droits éclaircis,
De la dignité d’homme, et des vastes lumières
Qui du mensonge ont percé les barrières.
Le sénat du peuple est assis.
Il invite en son sein, où respire la France,
Les deux fiers sénats ; mais leurs cœurs
N’ont que des refus. Il commence :
Il doit tout voir ; créer l’État, les lois, les mœurs.
Puissant par notre aveu, sa main sage et profonde
Veut sonder notre plaie, et de tant de douleurs
Dévoiler la source féconde.


VI



On tremble. On croit, n’osant encor lever le bras,
Les disperser par l’épouvante.
Ils s’assemblaient ; leur seuil méconnaissant leurs pas
Les rejette. Contre eux, prête à des attentats,
Luit la baïonnette insolente.
Dieu ! vont-ils fuir ? Non, non. Du peuple accompagnés,
Tous, par la ville, ils errent indignés :
Comme Latone enceinte, et déjà presque mère,
Victime d’un jaloux pouvoir,
Sans asile flottait, courait la terre entière,
Pour mettre au jour les dieux de la lumière.
Au loin fut un ample manoir