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Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/99

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Gardez que nul remords n’en attriste la fête.
Repoussant d’antiques affronts,
Qu’il brise pour jamais, dans sa noble conquête,
Le joug honteux qui pesait sur sa tête,
Sans le poser sur d’autres fronts.
Ah ! ne le laissez pas, dans la sanglante rage
D’un ressentiment inhumain,
Souiller sa cause et votre ouvrage.
Ah ! ne le laissez pas, sans conseil et sans frein,
Armant, pour soutenir ses droits si légitimés,
La torche incendiaire et le fer assassin,
Venger la raison par des crimes.


XVII



Peuple ! ne croyons pas que tout nous soit permis.
Craignez vos courtisans avides,
Ô peuple souverain ! À votre oreille admis,
Cent orateurs bourreaux se nomment vos amis.
Ils soufflent des feux homicides.
Aux pieds de notre orgueil prostituant les droits,
Nos passions par eux deviennent lois.
La pensée est livrée à leurs lâches tortures.
Partout cherchant des trahisons,
À nos soupçons jaloux, aux haines, aux parjures,
Ils vont forgeant d’exécrables pâtures.
Leurs feuilles noires de poisons
Sont autant de gibets affamés de carnage.
Ils attisent de rang en rang
La proscription et l’outrage.