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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/114

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Liszt : « Ah ! cher, bien cher Franz ! Donne-moi un cœur, un esprit, une âme de femme, où je puisse me plonger tout entier, qui vraiment me comprenne ! Combien peu, alors, j’aurai besoin du monde ! ». Et ce cœur, cet esprit, cette âme, il les possédait maintenant, dans ce bonheur de Triebschen, ce bonheur qu’il avait attendu si longtemps ; et, chose étrange, ce fut bien Liszt qui les lui avait donnés ! Cosima Liszt, la fille de cet ami dans le cœur duquel, il y avait vingt ans de cela, son art avait’trouvé sa première patrie, devint la compagne de Wagner. Trois êtres, et trois seulement, ont joué dans la vie de ce dernier un rôle tellement décisif que, sans eux, elle eût revêtu une forme différente : Franz Liszt, le roi Louis, et Mme Cosima Wagner ; tous les autres, même les plus grands, n’ont eu qu’une importance secondaire, — secondaire, veux-je dire, au point de vue de la grandeur du but poursuivi par Wagner, et de la signification, pour l’art allemand, des résultats obtenus par lui, signification dont on ne peut encore qu’entrevoir les possibilités infinies. Le plus grand des talents ne fait que remplir une place que tout autre eût pu remplir avec plus ou moins de bonheur ; mais ces trois noms sont comme les piliers sur lesquels repose toute l’œuvre du maître. On peut l’affirmer surtout de Mme Wagner, car à elle il était réservé de sauver cette œuvre, de la continuer, pourrait-on dire, même après la mort de Wagner. On peut se demander si, sans elle, les Festspiele auraient jamais eu lieu ; en tout cas, sans elle, ils eussent cessé après 1883, et alors l’écho de « Bayreuth » se fût tu bientôt sans laisser derrière lui beaucoup plus de fruits que Tristan et Iseult n’en avait laissés à Munich ; car il faut du temps, certes, pour qu’un exploit artistique de cette importance puises