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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/135

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obstacle lui apparaisse, extérieur ou intérieur, peu importe : aussitôt toute sa nature passionnée, énergique, se dresse en une attitude de combat ; et il fallut qu’un apaisement préalable se produise, pour qu’il se retrouve dans la « disposition confortable » où il peut « reprendre goût à la musique ». Mais, dès que ce goût lui revient, il prime tous les autres : plus d’abstractions, plus d’argumentation ; l’artiste, absorbé par son œuvre, ne s’en laisse distraire ni par l’intérêt, ni par quelque considération que ce soit ; c’est à peine si, par instants, il parvient à se reprendre pour écrire quelques lettres. Un exemple suffira à mettre en lumière tout ce que je viens de dire.

En 1849, Wagner laissa tout à coup de côté divers projets admirables, renonça à faire exécuter un opéra à Paris, et, au mépris de tous ses intérêts matériels, prit la plume ; il craignait, disait-il, que, pour l’art, qui ne pouvait plus trouver de sève dans le sol de la contre-révolution, « il n’en allât pas mieux sur celui de la révolution, si on n’y avisait à temps ». La conviction qu’il avait que ce terrain favorable manquait encore, que la contre-révolution et la révolution étaient, en l’état, également impuissantes à le fournir, que, dès lors, les œuvres d’art rêvées par lui demeureraient lettre morte, s’il ne se faisait une transformation profonde dans toute notre conception de l’art dramatique, de la musique, et du rapport entre l’art et la vie : tel fut l’obstacle que rencontra sa verve créatrice, et qui étouffa pour un temps son « goût pour la musique ». Et c’est pour préparer ce terrain indispensable à son art que Wagner, en 1849, se fit écrivain. Pendant les trois années qui suivirent, parut toute une série d’écrits de dimensions diverses, qui tous, encore que quelques-uns d’entre eux semblent s’éloigner de la