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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/147

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sur le monde ; son énergie poétique lui montrait des hommes comme il y en a peu, des hommes à son image. Tout au contraire, le commencement de la sagesse politique est une appréciation froide et pondérée des conditions de fait, jointe à une médiocre estime des hommes, basée sur la médiocre moyenne qu’ils présentent en effet. Mais ce que Wagner possédait au plus haut point, c’est ce que Gœthe a appelé le don de discerner la volonté qui est au fond de l’âme du peuple. À un tout autre point de vue, Wagner a dit, en termes analogues : « Le poète est la voix consciente de ce qui est inconscient en nous. »

Ainsi, bien que le génie d’un Richard Wagner doive être considéré comme décidément « impolitique », du moment où il descendait des hauteurs à lui familières pour se mêler à la banalité tourmentée des événements journaliers, ce qu’il sentait, ce qu’il enseignait, n’en peut et n’en doit pas moins être de première importance pour l’homme politique. C’est dans un génie comme le sien que la volonté cachée au fond de l’âme du peuple, volonté qui, Gœthe le dit encore, « ne s’exprime jamais », trouve son expression et son verbe.

C’est donc avec une attention respectueuse que nous devons recueillir ce que Wagner eut à dire sur la politique de sa patrie et sur le mécanisme de la société humaine.


II


Le trait capital à signaler dans la politique de Richard Wagner, c’est son caractère distinctement allemand.

Sans doute Wagner, comme d’autres, subit l’attrait de ce souffle de la fraternité des peuples, qui passa, à l’époque révolutionnaire, comme une brise de renouveau