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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/170

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sans du moins en saisir la portée, précisément parce que nous ne sommes habitués qu’à l’abstraction. Et ce qui achève la confusion, c’est que les écrits de Wagner ne peuvent se ranger dans aucune catégorie connue. L’artiste les trouve trop philosophiques, le philosophe trop artistiques ; l’historien, ne comprenant pas que les vues d’un grand poète sont des « faits condensés », les dédaigne comme de vaines rêveries ; le rêveur, formé à l’école de l’esthétique, recule effrayé devant l’énergique vouloir du révolutionnaire, qui, bien loin de réclamer « l’art pour les artistes », y voit au contraire un levier destiné à transformer le monde. Bref, ces écrits méritent en quelque sorte la qualification qu’en a donnée Nietzsche : « Pour tous et pour personne ». Mais, un temps viendra où ils seront le trésor de tous, précisément parce que, encore que souvent ils doivent leur origine à quelque cause occasionnelle, depuis longtemps oubliée (par exemple : Un Théâtre à Zurich, etc.), ils dépassent toujours, et de beaucoup, le moment présent. Ce sont, je le répète, des écrits philosophiques, qui recèlent la vision universelle des choses telle qu’elle apparaissait à un grand poète.

Je ne saurais me proposer, de résumer cette vision en quelques pages ; à un sujet aussi vaste, il faudrait un travail dépassant considérablement le cadre de cet ouvrage. Cependant, qui voudra lire attentivement les chapitres relatifs à la théorie de la régénération et à la doctrine artistique n’aura pas de peine à se faire une idée claire de la philosophie de Wagner dans ses contours essentiels. Par contre, dans ce chapitre-ci, je compte me borner à remplir une tâche plus modeste. Sans entrer dans la discussion scolastique de la philosophie, ce qui ne me mènerait à rien, puisque