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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/180

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mis en mains Le Monde comme Volonté et comme Représentation, cette œuvre si longtemps ignorée ou plutôt condamnée à l’oubli par les professeurs. Schopenhauer ne fut pas, pour lui, la découverte d’un pays nouveau, mais bien le retour dans sa propre patrie. Seulement, cet esprit si clair lui révéla bien des choses que, jusque-là, il n’avait pas nettement distinguées. Peu après avoir lu le chef-d’œuvre de Schopenhauer, il écrivait à Liszt : « Sa pensée maîtresse, la négation finale de la volonté de vivre, est d’un sérieux terrible, mais c’est la seule qui soit une rédemption. À moi, naturellement, elle n’a pas paru nouvelle, et personne ne peut du reste la penser, qui n’ait pas déjà vécu en elle. Mais c’est ce philosophe qui, le premier, l’a éveillée en moi à ce degré de clarté». Et on pourrait établir, par d’autres preuves, que non seulement cette pensée de Schopenhauer, mais encore d’autres idées fondamentales de son système avaient déjà pris forme et racine dans l’esprit de Wagner, bien avant 1854.

Déjà à la première page de L’Œuvre d’art de l’Avenir (1849), nous lisons : « La nature engendre et forme sans dessein et spontanément selon le besoin, donc par nécessité ; la même nécessité est la force génératrice et formatrice de la vie humaine ; et c’est dans le besoin qu’est la base de la vie. Ce n’estquedans la corrélation des phénomènes que l’homme constate la nécessité naturelle ; tant que cette corrélation lui échappe, la nature lui semble arbitraire. » Ce sont là, sous le masque de la terminologie de Feuerbach, des pensées qui tiennent bien plutôt de Kant et de Schopenhauer. En opposition au principe proclamé par Humboldt, que «la nature est le règne de la liberté », Schopenhauer a reconnu que « la nécessité est le domaine de la nature ». Wagner ne possède pas encore la claire