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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/182

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là le doigt sur le point vital de la philosophie de Schopenhauer, qui se sépare précisément de toutes les autres, en ce qu’elle voit dans l’abstraction « un mode secondaire et inférieur de connaissance, ou plutôt l’ombre de la connaissance propre ». En parlant de « point vital », j’ai peut-être trop dit ; mais cette subordination de la connaissance abstraite à la connaissance intuitive n’en est pas moins l’avenue nécessaire et géométriquement indispensable pour atteindre au véritable centre de la philosophie de Schopenhauer, c’est-à-dire l’admission de la nature secondaire de l’intellect. Wagner a-t-il peut-être franchi ce pas décisif avant de connaître Schopenhauer ? S’il ne l’a pas absolument franchi, en tout cas il l’a pressenti et y a fait fréquemment allusion ; cela surtout dans Opéra et Drame, écrit en 1851, ouvrage dontla date et le texte montrent que la pensée métaphysique de l’auteur s’était déjà considérablement clarifiée. C’est là que nous rencontrons des passages comme ceux-ci : « La vraie conscience est la connaissance de notre inconscience… » « L’intelligence ne peut être rien d’autre que la justification du sentiment, le repos qui suit l’excitation génératrice du sentiment. Elle-même ne se justifie, que quand elle se sait conditionnée par le sentiment spontané ».[1]

À côté de si frappantes coïncidences sur le terrain métaphysique, nous en trouvons de non moins importantes sur celui de l’éthique. Le pessimisme, par exemple, renaît sans cesse chez Wagner, en dépit de ses efforts pour « maintenir, de toutes ses forces, la doctrine de la félicité de Feuerbach ». Dans l’été de 1852,

  1. Wagner écrivait encore, avant de rien savoir de Schopenhauer : « On ne connaît vraiment que quand on reconnaît. »