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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/248

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représentation totale de cette « image du monde qui se reflète dans l’âme du Voyant ».

Nous sommes aujourd’hui bien déshabitués de cette conception primitive du drame. Celui-ci n’est plus rien pour nous qu’un genre littéraire comme les autres ; et ainsi s’explique que nous en soyons encore à nous demander s’il est vraiment possible d’appeler Wagner « un grand poète ». Encore la plupart de nos philologues et de nos esthéticiens répondent-ils à cette question par un « non » catégorique. Donc Wagner a pu créer dans sa jeunesse des figures comme le Hollandais Volant et Senta, comme Tannhäuser et Elsa ; dans son âge mûr, une Iseult, un Wotan, une Brunhilde, un Hans Sachs, un Parsifal : et l’on se demande sérieusement si l’homme qui a créé toutes ces âmes immortelles était un vrai poète ! Les Grecs n’auraient pas compris une semblable question, et nous avons l’espoir qu’un jour viendra où l’on cessera de la comprendre. Mais cet exemple nous fait voir comment Wagner a été amené à dire « qu’il s’agissait désormais d’une régénération complète de l’art, et que nos arts d’à présent n’étaient plus que l’ombre de l’art véritable ».

Cette régénération bienheureuse ne pourra avoir lieu que si nous revenons à la source de tout art, au drame, ressuscité avec le concours de tous les sens et l’emploi de tous les moyens d’expression. Et c’est de cet art régénéré que Wagner a pu dire que, « si nous l’avions, tous les autres arts trouveraient en lui leur justification ».

Mais le drame, à son tour, ne pourra réaliser ce haut idéal, il ne pourra devenir l’œuvre d’art suprême et universelle, et contenir à leur plus haut degré tous les autres arts, qu’à la condition expresse que son contenu