Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réserve prudente, et cependant, il ne faut pas une bien forte dose d’aveuglement pour penser que Wagner savait mieux comment il devait écrire son Tristan que les nombreux auteurs qui, depuis, ont condescendu à le lui dire ; j’ajouterai même qu’au lieu d’aveuglement il n’y faut que ce minimum d’intelligence qu’on a le droit d’exiger de toute créature qui se dit raisonnable. En tous cas, j’ai une autorité pour penser ainsi, une autorité dont personne ne contestera le sens critique : Aristote. Déjà ce grand penseur eut à protéger les œuvres du génie du contact indiscret et téméraire des chercheurs de fautes et des dramaturges jaloux ; et tous ces préceptes célèbres, dont, hélas ! on a tant abusé, il est allé les chercher dans ces œuvres mêmes, au lieu de prétendre les leur imposer. Et c’est précisément ce qu’a fait aussi Richard Wagner dans ses écrits sur l’art ; rien n’y est déduit abstraitement ou théoriquement, tout s’y fonde sur l’art vivant ; il le dit lui-même : « Ce n’est point dela spéculation ; ce n’est, au fond, que l’exposition de la nature des choses et de leur juste rapport entre elles ». Voilà des exemples qu’on a, certes, le droit de suivre, en traitant des œuvres du même Wagner.

Nous pourrons, par contre, obtenir une vue utile du drame wagnérien en étudiant de près le cours du développement artistique du maître, d’une part, et, de l’autre, en nous imprégnant, avec une sympathie sans arrière-pensée, des chefs-d’œuvre de sa maturité. Certes, ici, le sens critique sera de saison, mais il s’appliquera à comprendre et à construire, non à discuter et à lacérer.

Mais, dès le début, nous voyons se dresser d’inquiétants obstacles. Dans le développement de l’artiste, maintes influences extérieures interviennent pour trou-