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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/279

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mais la conciliation et la pénétration réciproque de ces deux styles devait être l’œuvre de mon développement artistique subséquent ».

Si cependant l’on considère de plus près ces deux poèmes[1], le regard, traversant la coque brillante de l’opéra, parvient au grain de poésie qu’elle recouvre ; et on reconnaît alors facilement qu’ils sont dus à la même plume, et que, même, ils sont déjà apparentés par plus d’un trait aux œuvres de la maturité du poète. Dans les deux ouvrages, la rédemption par l’amour est le motif fondamental ; dans tous deux aussi, le péché et la grâce constituent la trame poétique. Sans doute, dans la Défense d’aimer, qui porte le titre de « grand opéra-comique », ces sujets sont moins évidents qu’indiqués ; mais à quelques folies que se livre cette comédie de jeunesse, son thème est bien le salut du pécheur par l’intervention de sa sœur, la vierge pure ; et par là, l’œuvre se rapproche, d’une part, de Rienzi, de l’autre, du Vaisseau Fantôme et de Tannhäuser. Quant à la première œuvre, les Fées, elle développe avec tant d’intensité et de beauté ces « moments » poétiques, qu’on peut dire que tous les acces-

  1. La Défense d’aimer est empruntée presque intégralement au Measure for Measure de Shakespeare ; et voici comment Wagner raconte le sujet des Fées : « Une fée qui renonce à l’immortalité pour posséder un homme qu’elle aime, ne saurait devenir mortelle qu’en subissant certaines dures conditions, dont l’inobservation, de la part de son amant terrestre, la menace du sort le plus terrible ; l’amant échoue dans l’épreuve, qui consiste en ce qu’il ne doive pas repousser avec incrédulité la fée, encore que celle-ci, sous un déguisement forcé, lui paraisse aussi méchante et cruelle que possible… La fée, changée en pierre, est délivrée par le chant plein d’amour et de regrets de sonbienaimé, qui, dès lors, est accueilli par le roi des fées, et, réuni à son amante, naît aux délices immortelles du monde surnaturel » (Communication à mes amis).