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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/288

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qui concerne le compositeur « d’opéras». En effet, opéra fut le nom que lui-même donna à ses premières œuvres. Les Fées et Lohengrin sont intitulés : « Opéra romantique », la Défense d’aimer : « Grand Opéra comique », Rienzi, « Grand Opéra tragique » ; bien plus, la Mort de Siegfried, premier essai de dramatisation du mythe des Nibelungen, de l’année 1848, s’appelle, dans le manuscrit original : « Grand Opéra héroïque en trois actes. » De Rienzi, spécialement, Wagner dit : « Je ne voyais mon sujet qu’à travers les lunettes de l’opéra ; » et il parle sur le même ton d’autres œuvres de cette époque de sa vie. Et cependant, nous l’entendons se plaindre du malentendu qui s’obstine à vouloir le présenter au monde comme compositeur d’opéras ! Mais qu’on n’oublie pas, dans le passage cité plus haut, le mot « uniquement », qui le précise : le malentendu, c’est de faire de lui, « uniquement, un compositeur d’opéras ». Il ne nie point l’avoir été à une certaine époque de sa vie, au contraire il en parle souvent ; il compare l’opéra à « des lunettes, à travers lesquelles, inconsciemment, il regardait son sujet ». Mais jamais il ne fut « uniquement » cela ; comme nous l’avons vu, il était, de naissance, poète, et l’étonnement naïf qui se manifeste, parce que ce musicien «écrivait son texte lui-même », ne serait pas moins naïf sans doute, mais au moins plus logique, si on le manifestait à l’égard du fait que ce poète écrivait lui-même la musique de ses poèmes.

Oui, déjà les Fées et la Défense d’aimer sont des ouvrages poétiques de valeur, sinon dans les détails de l’exécution, où la préoccupation opératique entrave et déforme, au moins dans la disposition de l’ensemble, dans la façon dont l’auteur s’empare des matériaux pris à Gozzi et à Shakespeare, pour les remanier et