Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/314

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pendant un temps qui soit suffisant pour épuiser le sujet particulier de cette scène ». Quelques moments essentiels, et que le drame épuise à fond : ce principe s’impose avec une autorité grandissante dans les trois œuvres citées. La réduction à un petit nombre de moments, dans le Vaisseau Fantôme, frappe d’autant plus que Rienzi, trop riche, l’avait immédiatement précédé ; par contre, il lui manque l’épuisement du sujet. Dans le Tannhäuser, d’autre part, nous trouvons de bien plus nombreux moments dramatiques ; mais, dans le second et le troisième actes, ils sont traités à fond, complètement, et avec eux l’action intérieure atteint à une plénitude à laquelle le maître, jusque-là, ne s’était point encore élevé[1]. L’éloignement progressif de la formule d’opéra est évident. Dans toute l’œuvre, il n’existe qu’un seul duo ; les chœurs ont une haute signification dramatique et ne se présentent jamais sans motif, comme par exemple le chœur des fileuses dans le Vaisseau Fantôme… Dans Lohengrin, on serait porté, tout d’abord, à constater un recul, étant donné le nombre des grands chœurs ; mais, à Bayreuth, l’impression est tout autre ; on y comprend l’intention dramatique de ces chœurs. Et si nous dirigeons notre attention sur l’ensemble, il nous faut avouer qu’un vrai miracle s’est produit : c’est qu’une action surchargée de bien plus de motifs accessoires que Wagner, plus tard, n’en eût toléré, je veux dire une action qui, par sa seule conception, conditionne une très riche réalisation « opératique », se trouve ici réduite à quelques moments, si peu nombreux

  1. Le traitement complet du motif, dans le premier acte, ne se parfit qu’en 1860, dans la nouvelle composition de la scène du Venusberg.