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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/338

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l’Anneau du Nibelung. Au sujet de la confusion qu’engendre la multiplicité des mythes et des légendes germaniques, Herder dit : « Quand donc, de ce mélange de légendes et de romans d’aventures, issus de tant de peuples différents, de tant de régions diverses, quand donc en sortira-t-il une Iliade ou une Odyssée, qui, en quelque sorte, leur dérobe leurs couronnes pour s’en tresser une, celle d’une légende des légendes ? » C’est il y a un siècle, en 1795, qu’étaient écrites ces paroles. Depuis lors, les tentatives pour remplir le vœu de Herder n’ont pas manqué. L’épopée des Nibelungen, du XIIIe siècle, et, dans une moindre mesure, le mythe scandinave, devenu populaire par les Eddas et les légendes héroïques, tels sont les deux maîtres piliers, sur lesquels, au cours du siècle, on a étayé d’innombrables constructions poétiques. À l’exception de la Trilogie de Hebbel et de l’épopée de Jordan, toutes deux parues après la publication de l’Anneau du Nibelung de Wagner, tous ces essais sont depuis longtemps oubliés ; même la pièce de Geibel Brunhild (1857), dans laquelle l’influence bienfaisante de Wagner se fait sentir, n’est plus guère connue ; c’est un de ces produits hybrides qui ne sauraient prétendre à la vie. Trait tout particulièrement caractéristique de l’impeccable coup d’œil scénique qui était celui de Wagner, lui seul reconnut d’emblée que le chant médiéval des Nibelungen, qui roule, dans sa première moitié, sur la mort de Siegfried, et, dans la seconde, sur la vengeance de Chriemhilde, ne saurait être traité épiquement, mais dramatiquement. De ce fouillis embrouillé d’intrigues et de contre-intrigues diplomatiques, de cet excès d’exploits chevaleresques, que réclamaient pour leurs divertissements les cours du moyen âge, de ce mélange d’événements quasi-historiques et de traits légendaires,