Aller au contenu

Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Wagner a atteint ce but, si le lecteur n’avait sous les yeux, dans le chapitre précédent, l’exemple des Maîtres Chanteurs et de Hans Sachs. Là, il réalisa l’unité artistique complète des péripéties, nombreuses et variées, qui, extérieurement, font partie du conflit entre Walther et Beckmesser, en faisant, de la lutte tragique qui se déroule dans le sein même de Hans Sachs, le nœud de toute l’action, le « centre le plus intime », pour me servir des termes de Wagner lui-même. Ici, dans l’Anneau, quelque chose de semblable s’est passé. Wotan, qui n’était, dans le premier projet, qu’une figure importante du drame, et rien de plus, devient, dans le poème de 1852, le centre de toute une œuvre d’incomparable puissance.

Il y a lieu, ici, à une explication, pour éviter que ce point de vue ne soit saisi trop superficiellement.

Il faut que, dans le drame nouveau, l’action apparaisse telle que la veut l’âme dans sa profondeur, il faut qu’elle procède du dedans au dehors. Il ne suffisait pas, pour obtenir ce résultat, de placer Wotan au centre des puissances en lutte et de faire passer par ses mains tous les fils de la trame ; c’était déjà le cas, en quelque mesure du moins, dans le premier projet. Non, au lieu de la simple lutte se poursuivant, pour la possession et la puissance universelles, entre divers personnages, il fallait mettre en jeu un conflit intérieur, un combat qui se livrât au fond même d’un cœur. Il convient encore de remarquer que, si la soif de posséder est humaine au sens général, la valeur de l’or n’en est pas moins purement conventionnelle ; il fallait donc que le poète-musicien creusât plus profondément, pour découvrir un métal plus vierge, enfoui bien au-dessous de toute convention quelconque, afin d’y forger le nœud du drame. D’un seul coup, Wagner