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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/365

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malheur ! » et se séparent en s’écriant encore : « Ô malheur ! ô douleur ! » Et le cygne fidèle, qui « s’envolait vers sa femelle, pour cingler avec elle, sur le lac, en cercles gracieux », tombe à terre, frappé d’un trait meurtrier. Évidemment, si le dessein de la scène tragique est d’éveiller la pitié, ce dessein se réalise avec le relief le plus accusé dans l’action intérieure de Parsifal, donc dans le spectacle lui-même. Mais ce n’est là que le cadre de l’action proprement dite. Déjà dans les Maîtres Chanteurs et dans l’Anneau du Nibelung, nous avions l’illusion qu’une action dramatique se trouvait là, nouée et complète, quand l’auteur introduisait enfin le vrai héros ; et ce n’est qu’alors que nous pouvions nous rendre compte de ce qui, pour le poète-musicien, devait être l’action véritable. Avec Parsifal, ce rapport devient plus transparent encore ; Parsifal, le héros, se meut en effet, en un sens, en dehors des circonstances qui éveillaient notre pitié, et ce n’est que tout à la fin que le drame de sa vie se confond avec celui de la chevalerie agonisante. Ainsi l’action proprement dite, l’action principale, c’est la genèse de la pitié dans le cœur de Parsifal, et l’effet qu’elle exerce sur la vie de son âme. Et c’est bien pourquoi on peut appeler Parsifal le drame des drames : la scène qui évoquait notre intense pitié représente ici le monde entier ; et, dans chaque acte, la véritable action ne se développe qu’au fur et à mesure que cette pitié naît et grandit dans le cœur du héros.

Cette action, comme toute autre, d’ailleurs, ne pouvait s’élever à la vraie grandeur tragique qu’en raison de la grandeur d’âme du héros lui-même. Dans un fragment contemporain de l’œuvre, Wagner écrit : « Il ne saurait s’agir seulement de la protection du faible par le fort », et il ajoute : « ce n’est pas la misère du