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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/373

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éveillait entre autres une émotion de solennité religieuse, mais aussi des sentiments tour à tour guerriers, gais, ou terribles. Mais toute l’architecture du drame grec nous prouve jusqu’à l’évidence que, pour lui, la musique ne formait pas un élément constitutif de construction artistique. L’état alors embryonnaire du langage des sons, comparé à la haute perfection de celui des mots, suffirait à lui seul pour nous persuader de l’impossibilité qu’il y devait y avoir à ce que la musique participât, activement et essentiellement, à la réalisation du dessein artistique proprement dit. La vue, non plus, ne pouvait même que jouer un rôle tout général dans la création des impressions. Sans doute, la taille surhumaine des acteurs chaussés du haut cothurne, l’expression rigide et accentuée du masque, visible au loin, ne devaient point rester sans effet sur des spectateurs naïfs et impressionnables ; mais, encore là, il ne saurait s’agir que de quelque chose de tout général, non d’un facteur organique, vivant, susceptible d’un constant développement dans l’expression artistique. La vue et l’ouïe, dans le drame grec, ne servaient donc que d’effets accessoires, destinés à souligner et à renforcer l’impression totale. Ce qui, dans ce drame, est vraiment œuvre d’art, s’adresse exclusivement à l’intelligence. Nous avons les récits des messagers, les monologues, les dialogues, les épanchements de cœur des héros et leurs disputes ; nous avons aussi, décrite par le chœur antique, l’impression que tout cela produit sur leur entourage ; mais, toujours et partout, c’est la parole seule, c’est-à-dire l’entendement, qui nous révèle l’action même du drame.

Le drame de la Renaissance, qui, avec Shakespeare, parvint à son plus complet épanouissement, se distingue du drame antique en ce qu’à la parole, c’est-à-