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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/60

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de ce déchaînement, c’est qu’il s’attaquait autant à la personne de Wagner qu’à son art ; partout on ramassait les injures et les calomnies pour l’en salir ; on répandait les bruits les plus infâmes et les plus mensongers sur sa vie privée, afin de lui attirer le mépris ; pour le rendre ridicule, on lui attribuait, avec contes forgés à l’appui, une vanité sans limites et des mœurs de jouisseur, pour le rendre haïssable, une ambition insatiable et une ingratitude sans vergogne. Il est superflu de réfuter ces accusations, bien qu’il faille les signaler, car on ne saurait qu’y voir un phénomène significatif : en effet, quand nous rapprochons de ce déchaînement de haine l’amour d’un Liszt, d’un Louis de Bavière, de tant d’autres nobles natures, quand nous y comparons l’attachement passionné de ceux que Wagner appelait ses « musiciens adorés », de ses chanteurs aussi, nous tenons la clé de sa nature la plus intime. Richard Wagner est bien l’artiste que Schiller appelait de ses vœux, « un étranger parmi les enfants de son siècle, » un homme qui se montrerait, « pour purifier ce siècle, terrible comme l’était le fils d’Agamemnon. » Wagner, lui aussi, portait une haine au cœur : la haine d’un art prostitué et « descendu au rang d’industrie », la haine de toutes les hypocrisies, la haine d’un monde tout pétri de pharisaïsme. Mais cette haine était fille de l’amour, il nous le disait lui-même plus haut, ce « révolté par amour, non par envie ou par dépit ». Ce fut par haine, au contraire, que ses adversaires se liguèrent contre lui ; et l’intensité de leur haine se mesure à celle de son amour.

On a peut-être trop voulu voir, dans l’énergie titanesque de la volonté, le trait saillant et distinctif du caractère de Wagner. En effet, la volonté, considérée en elle-même, est une force aveugle, qui, parce qu’elle