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LE CHIFFRE VOLÉ

posé à aider la reine et son fils en ce qui touchait les choses de la religion. En ce qui concernait le chiffre, il ne pouvait croire que le roi et la reine de France se soient prêtés à une action si basse ; et il conseillait à don Francès de répéter la même chose que lui. Telle fut l’attitude du roi chevalier. Il faut dire que les Espagnols n’avaient guère besoin du chiffre, renseignés qu’ils étaient par les plus nobles espions.

Le voleur fut bientôt découvert. C’était Jean Fleurin, cuisinier du prince de Mantoue, c’est-à-dire de Louis de Nevers qui fera, lui, un tel usage des chiffres : dans la crainte de la torture le cuisinier fit des aveux complets, le 24 juin.

Un jour, à Mâcon, devant la demeure du roi, il avait rencontré, monté sur le cheval de son maître, le secrétaire de l’ambassadeur d’Espagne. Il le mena au logis du prince de Mantoue, le fit boire, se rendit ensuite chez M. de Piennes. Gaspard, maître d’hôtel de M. de Piennes, lui offrit une paire de chausses :

— Mon ami, on m’a dit que tu es de Picardie, ce dont je suis bien aise. Eh bien, mon ami, viens là, tu es au secrétaire de Monseigneur l’ambassadeur d’Espagne. Il convient que tu rendes un service à la reine et à moi. Il faut trouver le moyen de prendre le chiffre de ton maître, et me l’apporter pour le donner à la reine. Et tu lui feras bien grand service, et à moi. Laisse, et je te ferai riche à tout jamais !

— Je ferai ce que je pourrai.

Arrivé à Lyon, Gaspard était revenu solliciter plusieurs fois Jean Fleurin de la part de M. de Piennes, l’incitant à dérober le chiffre.

Alors, le jeudi 22 juin, cédant à la tentation, Fleurin avait dérobé le chiffre. Le lendemain, vers 4 heures, il l’avait apporté au logis de M. de Piennes. Et comme ce dernier n’était pas là, il le remit à Gaspard qui avait promis de le rendre le lendemain. Mais l’ambassadeur, soupçonneux, l’avait fait arrêter, le menaçant de la torture ! Et craignant quelque mal, Jean Fleurin avait dit toute la vérité.

Indigné, don Francès porta plainte devant la reine. Il la pria de désigner un secrétaire d’État pour instruire l’affaire. Catherine envoya l’Aubespine lui présenter d’abord ses excuses, car elle faisait telle démonstration que l’ambassadeur en recevrait beaucoup de contentement. L’affaire fut en effet portée au conseil, au mois de juillet.