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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/133

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CHEZ LE CARDINAL DE TOURNON

On peut imaginer que la vaste demeure, noble et confortable, toujours en avenir et qui ne fut jamais terminée, avait encore le mobilier splendide chanté par Michel de L’Hospital.

Roussillon, à une petite lieue du grand Rhône, apparaissait dans une situation bien enviable et salubre à qui sortait de l’enfer empesté de Lyon. Et c’est dans la grande salle du château, dite toujours salle de l’édit, qui nous montre un plafond aux poutres apparentes, que Charles IX, a rendu l’arrêt qui fit commencer l’année au 1er janvier au lieu du jour de Pâques.


Tandis que nous sommes encore dans cette région, il faut regarder entrer dans la prison de Tournon Mlle Isabeau de Limeuil, « la Limeuil » comme dit don Francès, qui est cependant Mlle de Turenne, parente de Catherine de Médicis par les La Tour, et l’une des demoiselles de sa maison.

C’était une fille noble, exubérante et spirituelle, dont on répétait les bons mots, fort jolie, et libre à ce point qu’elle était devenue la maîtresse du chef des huguenots, le prince de Condé. Or, deux ou trois jours après que la cour eut quitté Bar-le-Duc, un scandale avait éclaté dans la maison de la reine-mère. Elle tenait aux mœurs, et veillait sur la bonne conduite des filles de son entourage. Car c’est une légende, accréditée par Brantôme, que Catherine de Médicis se soit servie de ce qu’il nomme « l’escadron volant » aux fins de sa politique. Isabeau Turenne avait mis au monde un enfant ! Ses compagnes qui avaient surpris le flagrant délit, le rapportèrent à la reine. La Limeuil s’était sauvée dans la maison du secrétaire Du Fresne, grand ami du prince de Condé, et à ce qu’il semble aussi de la demoiselle. On ordonna le silence. La reine eût voulu étouffer un scandale qui la touchait elle-même ; elle en voulait à don Francès d’en avoir averti déjà le roi d’Espagne, trop porté à croire que les enfants de France et la cour se tenaient si mal.

Mais il fallait compter avec le sentiment passionné de la Limeuil, avec son orgueil aussi, car désira fort le mariage avec le prince de Condé, lorsqu’il devint libre. Les sentiments de M. le prince n’étaient pas moins ardents ; il avait aussitôt reconnu l’enfant qu’il faisait élever près de lui. Mlle de Turenne le lui avait fait parvenir dans un panier garni de paille, comme on envoie les petits chiens braques pour une chasse. Ainsi le prince avait déposé