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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/141

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VERS LA PROVENCE

gendaire seigneur des Adrets, homme du pays, vieux soldat des guerres d’Italie, mais sans pitié, qui s’y était introduit par surprise et plaisait aux huguenots qui avaient la majorité à l’assemblée de la ville. Protestant pour se venger des Guises, soldat pour batailler, le capitaine des Adrets avait fait de Valence sa forteresse et le magasin où il ramenait le fruit de ses pillages. Il s’y était proclamé lieutenant du roi et de Condé en Dauphiné, colonel des légions du pays. Pris dans une rencontre, le seigneur des Adrets avait été délivré lors de l’édit de mars 1563, et il était devenu un renégat. Les huguenots le méprisèrent, les catholiques se méfièrent de lui. Ainsi Valence avait connu quelque repos.

En ces jours, ardents et lumineux, il faut le reconnaître, les choses demeuraient à l’orage.

Le connétable Anne de Montmorency s’affaiblissait. On le voyait parfois demeurer tout pensif, faire effort sur lui-même pour montrer quelque allégresse ; il n’avait ni appétit, ni sommeil. Madeleine de Savoie, sa chère épouse, la dame aux vieilles modes françaises, s’en montrait bien inquiète ; elle disait, s’attendrissant

« Il se perd, sans le sentir ! » Damville, son fils cadet, gouverneur

de Languedoc, arrivé récemment près du malade, s’exténuait comme le roi à chasser dans la montagne, où parfois on n’arrivait pas à le retrouver. Il aurait mieux aimé sans doute faire la chasse aux huguenots !

Don Francès, qui observait ces choses, eût bien voulu avoir sur le connétable le même pouvoir que le roi d’Espagne exerçait sur Damville :

— Faites ceci, vous qui pouvez tout !

— Foi de chevalier, je fais le peu que je puis.

— Vous pouvez peu alors, c’est que vous gardez au conseil un pernicieux sujet, pour le préjudice du roi et du service de Dieu, je veux dire le chancelier, au lieu de le jeter au feu ou à la rivière ! Franchement, peut-on espérer que le roi de France rendra l’édit par lequel tout le monde professera la même religion que lui-même ?

Le connétable ne répondit pas.

Mais Damville, même en présence de la reine-mère, interpellait le chancelier qui lui avait dit : « Vous avez été le plus dur des serviteurs du roi ! » — « Et vous, le plus pernicieux et mauvais serviteur de Dieu et de la couronne que l’on saurait trouver en France. Tout le mal du royaume vient de vous ! »