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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/157

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LE MÉNAGE DE SAVOIE

valaient bien vingt mille écus. La reine-mère n’oubliait ni les dames, ni les domestiques de la duchesse ; quant au duc, il avait reçu de Charles IX un très bel habit de l’ordre de Saint-Michel. Don Francès pouvait donc tirer la conclusion que les affaires du duc de Savoie allaient assez bien. Ce qui lui paraissait surtout extraordinaire, et digne d’attention, était la nouvelle attitude de la duchesse de Savoie. Don Francès n’ignorait pas que tout d’abord Marguerite de France n’avait pas voulu entendre la messe. Mais son médecin, cet homme laid et bossu, un disciple de Mélanchton, célèbre entre tous les hérétiques d’Allemagne, lui avait dit un jour : « Madame, réjouissezvous, car je puis vous tirer de cet embarras. Sachez que pour telle ou telle raison, suivant la Sainte Ecriture, vous pouvez entendre la messe et accomplir tout ce que votre mari réclame de vous, jusqu’au jour où Dieu y pourvoiera, à la condition que dans votre âme vous n’accordiez aucune foi à ce que vous entendrez durant la messe, et ne regardiez ni l’hostie ni le calice. Et même vous pourriez encore les regarder, si votre mari vous surveillait… » Consolée et rassurée de la sorte, la duchesse s’était rendue à la messe, faisant toutes sortes de démonstrations dévotes. Mais quelques jours après, parlant à son mari des choses de la religion, elle lui avait dit : « Certes, Monsieur, vous vous trompez si vous voulez demander à vos sujets qu’ils soient tous papistes, car je sais mieux que vous qu’il y a plus d’adeptes de la religion nouvelle que de l’autre » >.

Telle était d’ailleurs l’attitude que les réformés avaient décidé d’adopter, lors de leur récente assemblée : ils assistaient à la messe, et les hérétiques de la cour faisaient de même. Il était beaucoup plus inquiétant pour Philippe II d’apprendre que le nonce poursuivait une négociation avec un envoyé de Sampierro, afin que le pape acceptât tout ce qu’il possédait dans l’île de Corse, et ce qu’il pouvait y gagner. Cela semblait fantastique. L’ambassadeur d’Espagne interloqué n’hésita pas. Il entra à l’improviste dans la maison du nonce, proche de la sienne, et le surprit s’entretenant avec deux capitaines corses : — — Comment se fait-il que vous ne soyez pas dans l’île ? — Je suis pensionné du roi et ne puis m’y rendre. Leur réponse ne parut pas suffisante à don Francès. Il savait que Sampierro avait déclaré au pape que dans le cas où la flotte CATHERINE DE MÉDICIS

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