Aller au contenu

Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/163

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
149
DANS LES JARDINS D’ARANJUEZ

DANS LES JARDINS D’ARANJUEZ 149

plus qu’il ne gouverne ? Informé de tout, il n’a d’un chevalier que l’attitude, et près du duc d’Albe, de Ruy Gomez, de son confesseur, de son inquisiteur, de son conseil d’évêques, il ne cesse de lire et d’écrire, même en coche, gouverne d’une verge de fer son empire disparate, sa Castille rebelle et féodale, rêve d’unifier catholiquement le monde, et pratiquement sans grands moyens ; il veut en lui et chez lui la paix, et chez nous la division ! Giovanni Soranzo, l’envoyé vénitien, a tracé son portrait en ces jours ¹.

Le roi d’Espagne a trente-sept ans, de taille plutôt petite que moyenne. Il a la face pâle, la lèvre un peu relevée comme ceux de la maison d’Autriche, le poil blond ; son aspect est à la fois gracieux, bienveillant et digne. De complexion délicate, il vit soumis à beaucoup de régularité, en prenant peu de nourriture, et il ne mange jamais de poisson. Le vendredi, le samedi, et aux vigiles des fêtes, pour ne pas donner le mauvais exemple, il prend toujours seul son repas. Il s’abstient également de fruits, n’en mangeant que très peu et rarement. Très modéré sur la boisson, il ne boit à déjeuner pas plus de deux fois ; et le soir au dîner, il se montre plus réservé encore. Sa Majesté mange ordinairement seul, n’estimant dignes de l’accès à sa table que la sérénissime reine, le prince et la princesse, qu’il n’y convie que très rarement, car des mois se passent sans qu’il les invite. Dans son vêtement, il n’use ni d’or ni d’argent, mais seulement de pannes de soie, et petitement travaillées. Mais il porte noblement le costume, et d’une manière élégante ; et en tous les mouvements de son corps il laisse voir une grâce infinie. Il montre beaucoup de zèle pour la religion, et par son exemple, cherche à stimuler le culte catholique non seulement à la cour, mais dans toute l’Espagne.

On racontait par exemple que lors de la tenue des Cortès à Monçon, comme il s’avançait un jour à cheval, le Roi Catholique rencontra le Très Saint-Sacrement que l’on portait à un malade. Il mit aussitôt pied à terre, et tenant son béret à la main, il avait accompagné prêtre, l’attendit à la porte de l’homme qui on l’administrait, et puis le suivit jusqu’à l’église où on l’avait pris. Sa Majesté fréquentait beaucoup les offices divins, et communiait quatre fois l’an. Cette dévotion était cause que l’évê1. Exactement en 1565

D gitized by