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Page:Chantavoine - Le Poème symphonique, 1950.djvu/77

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poème symphonique et autre chose que ce qu’elle est et veut être : une suite, une rapsodie, dont les fragments, tour à tour souples et véhéments, allant de la caresse au tourbillon, avec une grâce, une fantaisie, un caprice incomparables, n’ont d’autre intention que de captiver l’auditeur, comme Shéhérazade elle-même, nuit après nuit, charmait par ses récits les insomnies despotiques d’un sultan. On verra comment les « Ballets russes » de Serge de Diaghilev ont converti Shéhérazade en pantomime-ballet et l’action de cette métamorphose sur l’évolution récente du « poème symphonique ».

Dans Sadko, Rimsky procède directement de Balakirev et de Thamar[1]. Analogie de programme et de structure, sinon d’argument. Toutefois, si la mer y figure comme le fleuve de Thamar, elle n’y est qu’un décor passif, sans rôle symbolique. Le vaisseau d’un riche marchand, Sadko, étant arrêté au milieu d’une traversée, lui-même est précipité au sein des flots comme tribut au roi de l’Océan, pour permettre au navire de continuer sa route. Il se trouve au milieu d’un festin, offert par le Neptune slave, pour les noces de sa fille avec l’Océan. Sadko jouant de la lyre, le Roi et les siens se mettent à danser, danse de plus en plus animée, bientôt vertigineuse. L’Océan, gagné par ce tourbillon, engloutit le vaisseau. Sadko brisant les cordes de sa lyre, la danse cesse et la mer se calme. Tout se borne à peu près au tableau, d’ailleurs vif et pittoresque, de la danse.

La Nuit sur le mont Chauve de Moussorgsky n’était qu’une ébauche dont lui-même ne s’est jamais bien dépêtré, qu’il a esquissée pour le concert dès sa jeunesse, puis adaptée successivement à deux œuvres théâtrales, Mlada et la Foire de Voronèje et qu’après sa mort Rimsky-Korsakov a mise au point pour l’exécution. C’est une scène de sabbat, rude et trépidante, sans autre ressort poétique que cette âpreté et ce mouvement, mais qui offre cet intérêt historique d’annoncer le Sacre du

  1. L’œuvre est d’ailleurs dédiée à Balakirev.