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Page:Chantavoine - Le Poème symphonique, 1950.djvu/80

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CHAPITRE V

LES CONTEMPORAINS

Dans les pays septentrionaux, Grieg a été un musicien d’un accent national trop prononcé pour ne pas évoquer, dans une œuvre symphonique, un héros légendaire de sa patrie, Sigurd Jorsalfar. Mais il n’était pas l’homme des développements soutenus, et dans cette œuvre, où manque d’ailleurs l’allégorie ou le symbole du poème symphonique, on ne retrouve pas l’émotion ni la couleur de Peer Gynt ou des Danses norvégiennes.

En revanche, la poésie musicale dicte trois œuvres de Jan Sibelius, où l’âme et le caractère de son pays finlandais se reflètent avec une fidélité qui, à elle seule, suffit à faire le programme d’un poème. D’après le titre de Finlandia, chaque auditeur retrouve dans des thèmes populaires, exposés avec une solennité fervente et quasi religieuse, sa patrie familière et glorieuse, au cours d’une histoire traversée de luttes héroïques. La Valse triste exprime avec délicatesse la mélancolie qui peut rôder parmi les rythmes et les échos d’une fête. Enfin, le Cygne de Tuonela évolue lentement, avec sérénité, sur le lac légendaire que la Finlande imagine au séjour des morts. Dans tout cela, nulle description de détail, mais une rêverie contemplative, un peu assoupie, sinon engourdie par l’étendue des plaines neigeuses, la longueur du sommeillant hiver, l’indécision crépusculaire du septentrion entre le jour et la nuit, qui se pénètrent presque, au lieu de se succéder. Poésie où les lèvres closes de la musique parlent un langage plus profond que les mots de la parole et qui justifie en l’illustrant, toute forme à part, le principe même du poème symphonique.