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Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/147

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DE LA NOUVELLE-FRANCE

L’allégresse publique était bien justifiée par le résultat obtenu. N’en déplaise à quelques historiens, ce résultat était considérable. Sans doute la panique qui s’était emparée des Iroquois et leur fuite persistante n’avaient pas permis de les écraser dans une sanglante et décisive bataille. Ce n’était point la faute de M. de Tracy s’ils avaient été insaisissables. S’enfoncer plus avant en pays ennemi pour essayer de les atteindre, à la veille de la mauvaise saison, eût été une imprudence fatale. On ne leur en avait pas moins prouvé que le bras d’Ononthio était assez long pour les atteindre et les frapper chez eux. Les soldats de la Nouvelle-France, franchissant tous les obstacles, avaient fait irruption dans leur pays. Ces barbares, habitués à tout faire plier devant eux, s’étaient enfuis devant nos armes comme un troupeau timide. Ils avaient vu leurs demeures incendiées, leurs villes détruites, leurs champs saccagés, leur pays fertile et prospère transformé en un désert de cendres[1]. Leur orgueil avait reçu une salutaire leçon, qui devait leur apprendre à craindre la

  1. — « Cette déroute les a réduits à la dernière des humiliations qu’une nation peut être réduite. Que deviendront-ils ? Où iront ils ? L’on a brûlé leurs bourgs, l’on a saccagé leur pays ; la saison est trop avancée pour se rebâtir ; le peu de grain qui est resté de l’incendie des moissons ne sera pas capable de les nourrir, étant au nombre de trois mille. » (Lettre de la Mère de l’Incarnation, II, p. 353) — Nicolas Perrot rapporte que les prisonniers renvoyés chez les Agniers les trouvèrent dans une grande désolation ; ils s’imaginaient sans cesse voir les Français autour de leurs villages ; tout leur maïs ayant été brûlé ou jeté à la rivière, ils étaient réduits à une famine extrême, qui fit périr près de quatre cents personnes. (Mémoires de Nicolas Perrot, p. 114).