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Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/216

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JEAN TALON, INTENDANT

les aider à enrayer le fléau, ils n’empiétaient point sur ce pouvoir, mais ils essayaient de l’associer à une œuvre éminemment bienfaisante et glorieuse. Faire des instances auprès d’un gouvernement, pour le déterminer à interdire un trafic dangereux, — que ces instances soient aussi actives, aussi énergiques, aussi pressantes que l’on voudra —, ce n’est certainement pas usurper les pouvoirs de ce gouvernement. Nous aurons occasion, dans un prochain chapitre, de revenir sur cette question de la traite de l’eau-de-vie.

Mais ce qu’il y a de plus extraordinaire dans ce passage, c’est ce que Talon écrivait au sujet des « consciences gênées » et de l’administration des sacrements. Au moment même où l’intendant dénonçait les soi-disant empiètements de l’Église, il manifestait tranquillement la prétention d’étendre sa juridiction sur les confessionnaux, de détruire la discipline ecclésiastique, de diviser le clergé, de ruiner l’autorité épiscopale, de faire prévaloir ses vues profanes quant à la direction des âmes. On reste confondu devant une aussi téméraire ingérence dans le domaine spirituel ! Tel confesseur est trop rigide, il faut le renvoyer en France ; et il convient d’importer des prêtres plus larges, qui puissent administrer les sacrements malgré leur évêque ! Cela est dit posément, avec calme, comme une chose toute naturelle. Tant il est vrai que le nuage gallican enténébrait alors les meilleurs esprits. Talon, qui était pourtant un chrétien sincère, ne soupçonnait pas de quelle énormité il se rendait coupable. Il était parfaitement inconscient de la scandaleuse absurdité de sa proposition. À supposer que les confesseurs fussent trop sévères, cela ne regardait point le pouvoir civil. Faire observer le plus strictement