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Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/313

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DE LA NOUVELLE-FRANCE

étaient quotidiennement employées à l’instruction des élèves françaises. Les élèves sauvages logeaient et prenaient leurs repas avec les françaises, mais elles avaient pour leurs classes une ou plusieurs maîtresses particulières. Les Ursulines parvinrent à franciser quelques filles sauvages, qui se marièrent ensuite à des Français et firent d’excellentes épouses. Une entre autres savait lire et écrire remarquablement, tant le huron que le français ; à l’entendre on aurait pu difficilement croire qu’elle était née sauvage. Talon était si ravi de ce beau cas de francisation, qu’il lui demanda d’écrire quelque chose dans sa langue et dans la nôtre afin de montrer en France cet échantillon si favorable. Mais il faut reconnaître que cela était exceptionnel. En effet la Mère de l’Incarnation disait dans une de ses lettres qu’il était très difficile, pour ne pas dire impossible, de franciser ou civiliser les filles sauvages.

Les Ursulines avaient généralement vingt ou trente pensionnaires. La pension des élèves françaises était de cent vingt livres ; les élèves sauvages ne payaient rien. Il y avait un nombre considérable d’externes en été ; en hiver l’assistance était moins nombreuse à cause du froid et des neiges. « Enfin, écrivait la Mère fondatrice, nous avons toutes celles de la haute et basse-ville ; les Français nous amènent leurs filles de plus de soixante lieues. » L’œuvre accomplie par cette sainte et admirable religieuse et par ses pieuses compagnes ne saurait être trop exaltée. Ce sont elles, ainsi que leurs nobles émules de Montréal, qui ont formé ces générations de femmes fortes, de mères chrétiennes, auxquelles le Canada français a dû en grande partie sa merveilleuse vitalité nationale.