Aller au contenu

Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
338
JEAN TALON, INTENDANT

très grands frais. Il a encore fait de grands ouvrages dans Québec et ailleurs ; et si Dieu lui inspire de retrancher le commerce des boissons, c’est ce qui achèvera d’immortaliser sa mémoire dans cette nouvelle église »[1]. Mais la saison avançait et M. Talon ne paraissait point. On commença à s’alarmer. La même correspondante écrivait dans une autre lettre, datée du 21 octobre 1669 : « Le vaisseau unique qui est retenu par force à notre port doit lever l’ancre samedi prochain, ou lundi au plus tard ; autrement il serait contraint d’hiverner ici. La terre est déjà couverte de neige, et le froid fort aigu et capable de geler les cordages. Avec tout cela, M. Talon n’est point arrivé, ni ses deux navires ; dans le sien seul, il y avait cinq cents personnes, et l’on est ici en très grande peine de ce retardement qui fait juger qu’ils ont relâché en France, ou qu’ils ont péri par la violence de la tempête, qui a été si horrible que nous l’avons prise pour un ouragan semblable à ceux qui arrivent dans les îles. » Cet automne avait été effroyablement tempétueux. Durant quinze jours de formidables tourmentes firent à Québec les plus terribles ravages. La marée monta dans la basse-ville jusqu’au troisième étage des maisons. Beaucoup d’édifices furent abattus à la haute-ville, et d’autres furent secoués comme durant les tremblements de terre. Le vent arracha le toit du logis des domestiques aux Ursulines ; il renversa les clôtures de charpente de ce monastère, celles des Hospitalières, de l’évêque, des Jésuites et plusieurs autres. On estima les pertes subies à 100,000 livres[2]. Cette fureur des éléments inspirait la réflexion suivante à la

  1. Lettres de la Mère de l’Incarnation, II, p. 441.
  2. Lettres de la Mère de l’Incarnation, II, p. 436.