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Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/439

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JEAN TALON, INTENDANT

les deux mondes. À ses pieds se groupaient les entrepôts, les magasins, les maisons de la ville basse industrieuse et commerçante. En haut du promontoire, sur le prolongement du plateau où s’élevait sa demeure, dans un rayon de quelques mille pas, le château, le séminaire-évêché, la cathédrale, le collège des Jésuites, le monastère des Ursulines, l’Hôtel-Dieu, la sénéchaussée, contenaient et résumaient la vie politique, intellectuelle et religieuse de la Nouvelle-France. Lorsqu’il admirait le merveilleux panorama qui s’offrait à ses regards, et qui devait dicter au Père Charlevoix l’une de ses plus belles pages[1], lorsqu’il prêtait l’oreille aux rumeurs de la cité que son intelligente impulsion emplissait de mouvement et de vie, Talon, se détachant des conditions et des spectacles présents, plongeait-il sa pensée dans l’avenir ? Entrevoyait-il l’essor réservé à l’œuvre qu’il était venu sauver ? Comprenait-il toute la grandeur de la mission accomplie par lui à travers tant d’obstacles et de hasards ? Devinait-il, en un mot, que ses efforts auraient pour résultat la préservation, la croissance et la victorieuse expansion d’une France nouvelle sur la terre d’Amérique ? Nous n’en pouvons douter lorsque nous nous rappelons son mot à Louis XIV : « Cette partie de la monarchie française deviendra quelque chose de grand. » Ah ! non, elle n’était pas en défaut, la prescience patriotique de notre illustre intendant, lorsqu’il écrivait ces lignes ! Cette partie de la monarchie française est vraiment devenue quelque chose de grand. Détachée de la vieille mère-patrie, après de longs combats, elle s’est orientée vers

  1. — Voir la description de Québec, par Charlevoix, vol. III, p. 73.