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Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/450

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JEAN TALON, INTENDANT

portune. Talon, après avoir paru persuadé, décida cependant en sens contraire, et donna virtuellement l’ordre sollicité par Bazire. Aussitôt les marchands protestèrent et demandèrent à l’intendant de rappeler son ordonnance, déclarant qu’elle ruinerait leur commerce, que le sieur Bazire pourrait connaître toutes leurs affaires par le rapport de ses commis, que cette mesure donnerait lieu à de grandes vexations, et ainsi de suite.

Une seconde pétition expliquait la première ; et une troisième signée de plusieurs marchands et habitants, et du syndic Lemire, vint accentuer l’opposition[1]. Devant ces instances si pressantes, Talon eut le bon esprit de revenir sur ses pas, et suspendit l’exécution de son ordonnance. Frontenac rapporta longuement l’incident au ministre : « M. Talon, écrivit-il, me fit la grâce de me la communiquer (la requête du sieur Bazire), et je lui en fis voir les dangereuses suites, puisque les pelleteries n’étant pas seulement en ce pays une marchandise, mais encore une espèce de monnaie dont on se sert ici pour toutes sortes d’achats et de commerce, c’était donner au sieur Bazire le même privilège que si on lui accordait d’aller visiter les cassettes des particuliers pour savoir s’il y aurait des louis d’or ou des écus blancs…, qu’après tout les pelleteries ne devaient le droit que lorsqu’on les veut embarquer, et qu’il me semblait qu’on avait fait tout ce qui se pouvait pour la conservation des droits de MM. de la Compagnie, lorsqu’on avait ordonné la confiscation des pelleteries

  1. Supplément-Richard, p. 56 — Requête du sieur Bazire, 8 octobre 1672. — Requête des marchands. — Explication des marchands, 14 octobre. — Requête des habitants. — Lettre de Frontenac, 2 nov. 1672.