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Page:Chaptal - L’art de faire, gouverner et perfectionner les vins.djvu/96

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Essai

» Ce succès qui avoit passé mes espérances, m’a engagé à faire une nouvelle expérience du même genre, et encore plus décisive par l’extrême verdeur et la mauvaise qualité du raisin que j’ai employé.

» Le 6 novembre de l’année 1777, j’ai fait cueillir de dessus un berceau, dans un jardin de Paris, de l’espèce de gros raisins qui ne mûrit jamais bien dans ce climat-ci, et que nous ne connoissons que sous le nom de verjus, parce qu’on n’en fait guerre d’autre usage que d’en exprimer le jus avant qu’il soit tourné, pour l’employer à la cuisine en qualité d’assaisonnement acide ; celui dont il s’agit commençoit à peine à tourner, quoique la saison fût fort avancée, et il avoit été abandonné dans son berceau, comme sans espérance qu’il pût acquérir assez de maturité pour être mangeable. Il étoit encore si dur, que j’ai pris le parti de le faire crever sur le feu pour pouvoir en tirer plus de jus : il m’en a fourni huit à neuf pintes. Ce jus avoit une saveur très acide, dans laquelle on distinguoit à peine une très-légère saveur sucrée. J’y ai fait dissoudre de la cassonade la plus commune, jusqu’à ce qu’il me parût bien sucré ; il m’en a fallu beaucoup plus que pour le vin de l’expérience précédente, parce que l’acidité de ce dernier moût étoit beaucoup plus forte. Après la dissolution de ce sucre,