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Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/84

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vues et certains ouvrages dont il tenait pour précieuses les dédicaces. Les enfants, suivant en cela son exemple se souciaient peu de leurs papiers ; Jean laissait dans la cave, exposés à la poussière, ses cahiers de notes et ses premiers essais. Jeanne ne détruisait aucun papier et Georges retrouvait dans les endroits les plus insolites ses brouillons de lettres, ses commandes d’épicerie, des esquisses de tables et des listes d’invités périmées.

L’écrivain ne restait jamais longtemps oisif. Un ouvrage terminé, il en mettait aussitôt un autre en chantier. Mais cette fois, avant d’ouvrir ses cahiers, il se mit en devoir de répondre à la lettre de Lucien. Certes, avec tous les ménagements dus à un grand malade, mais avec une certaine fermeté aussi. Non, sa vie n’était pas vide ! Pour presque toutes les années depuis l’âge de trente ans, il pouvait inscrire un événement important. Il y avait ses ouvrages, les charges publiques qu’il avait exercées, ses enfants, dont l’éducation ne lui avait pas coûté moins de soins que ses livres, etc. Son rêve l’entraînait à la dérive.

Il n’avait pas été libre d’écrire le roman que son ami condamnait. L’idée s’était imposée à son esprit, dix ans plus tôt. L’œuvre baignait dans un climat d’inquiétude, de mystère. Un