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Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/96

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n’y virent qu’une vieille grenouille toute tassée sur elle-même, l’œil sagace. Mais un peu en amont, quelques minutes plus tard, Jean mit en sac sa première prise, une superbe truite mouchetée, ferme et colorée.

Au retour, il trouva les terrassiers occupés à la réfection du chemin qui conduisait à la maison. Ils avaient débarrassé le sol de ses roches, nivelant les collines, éventrant la terre de chaque côté de la chaussée et formant des tas de débris dont les riverains devaient maintenant disposer. Georges entreprit de trimballer de longues racines, roulant les roches sous les arbres et attachant en fagots le bois sec que Jean empilait dans la resserre. L’écrivain se complaisait dans ce travail, caricature de l’action à laquelle son âme aspirait. « Ma profession m’a éloigné de tout ce qu’on touche avec la main », pensa-t-il. Dans le ciel, immense pré nu, quelques bribes d’ouate que le vent effilochait créaient une impression de vastitude sans limite. Des ouvriers, qui s’étaient rejoints au milieu du chemin, les pieds dans la chaleur concentrée à la crête du sable, échangeaient des propos sur la température. Autour d’eux, la lumière, dans un frémissement de cellophane chiffonné, les transfigurait. Ils restaient là, comme