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Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/115

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ARCHITECTURE.

ressauts, que la décoration soit sobre, c’est-à-dire que les parties lisses l’emportent de beaucoup sur les parties ornées ; qu’il en soit enfin du monument comme de ce philosophe qui, suivant le mot du père André, ne doit pas avoir l’air d’un petit-maître… Vérités évidentes ! vérités banales ! pensera peut-être le lecteur. Mais quoi ! elles sont tous les jours méconnues, ces vérités, chez les peuples les plus éclairés du monde. Eh ! ne voyons-nous pas au milieu de ce Paris même, si célèbre et tant vanté, un barbare mélange, dans tel édifice, du style chrétien et du style païen, tel vieux monument restauré ou achevé à la moderne, telle église gothique s’ouvrant par un portail grec ou romain, comme Saint-Gervais ?… Non, il n’est jamais inutile de rappeler aux architectes que toutes les œuvres de la nature, la plus belle surtout, leur offrent, par analogie, des modèles à étudier de cette harmonie sans contrainte, de cet enchaînement facile en apparence, mais rigoureux au fond, qui est un des principes inviolables de leur art et le secret de leur puissance morale. « Le doigt d’un homme, dit l’anatomiste Sue, ne saurait s’ajuster exactement à la main d’un autre homme. Chaque partie d’un tout organique est semblable à l’ensemble et en porte le caractère. Tout devient ovale si la tête est ovale ; si elle est ronde, tout s’arrondit ; tout est carré si elle est carrée ; il n’y a qu’une forme commune, un esprit commun, une commune racine ; c’est ce qui fait que chaque corps organique compose un tout dont on ne peut rien retrancher et auquel on ne peut rien ajouter sans en troubler l’harmonie, sans qu’il en résulte de la difformité ou du désordre. Tout ce qui tient à l’homme dérive d’une même source, tout est homogène en lui : la forme, la stature, la couleur, les cheveux, la peau, les veines, les nerfs, les os, la voix, la démarche, les manières, le style, les passions, la haine et l’amour. Il est toujours un, toujours le même. » Voilà le modèle éternel de l’architecture. Là sont marquées avec évidence les lois d’une harmonie qui n’est pas l’uniformité, mais l’accord ; qui n’est pas l’unisson, mais le concert.



XI

EN DEHORS DES CONDITIONS GÉNÉRALES DU BEAU, QUI SONT INVIOLABLES, L’ARCHITECTURE VARIE ET DOIT VARIER SUIVANT LE CLIMAT, LES MATÉRIAUX ET LA CONFIGURATION DU SOL.

Il faut en convenir, l’archilecture est le moins indépendant de tous les arts, parce qu’elle se rapporte toujours à un but qui la gêne, la contraint et la domine. « Ce rapport à une fin, dit M. Chaignet (Principes de la Science du beau), suffit pour détruire l’indépendance de l’architecte : il