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Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/161

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ARCHITECTURE.

au chapiteau pour représenter les boucles de la chevelure, rejetées à droite et à gauche du visage. Des cymaises et des guirlandes furent comme des ornements arrangés sur le front des colonnes ; enfin, des cannelures creusées le long du fût imitèrent les plis d’une robe. Ainsi, ils inventèrent deux ordres de colonnes dont les unes rappelaient les proportions et la simplicité négligée du corps de l’homme, et les autres la délicatesse et la parure de la femme, par la suite, le sentiment de l’élégance s’étant développé, on préféra des proportions plus élancées, et l’on donna sept diamètres en hauteur à la colonne dorique et huit et demi à la colonne ionique, car cette dernière prit le nom du peuple qui l’avait inventée. Le troisième ordre, que nous appelons corinthien, imite la grâce d’une jeune fille ; il en a les proportions délicates, et il appelle aussi les ornements les plus élégants… »

Tel est le texte de Vitruve touchant les trois ordres. Nous aurons plus d’une fois à y revenir, soit pour en signaler les erreurs étranges, soit pour en donner le véritable sens ; car de telles histoires seraient bien près d’être absurdes, s’il les fallait prendre à la lettre, au lieu d’y voir un ressouvenir, il est vrai, très obscur et fort altéré, du symbolisme architectonique des grands siècles.



XVII

DANS L’ORDRE DORIQUE, LES PROPORTIONS SONT MÂLES, LES FORMES SONT INDICATIVES DE LA CONSTRUCTION, LES ACCENTS DE LA SOLIDITÉ TIENNENT LIEU D’ORNEMENT.

l’Ordre dorique est le plus ancien des trois ordres. Il fut apporté en Grèce, selon toute apparence par la race dorienne, qui était la race hellénique pure, tandis que les races ionienne et achéenne étaient mélangées de sang pélasge. C’est ce qui symbolise la tradition qui fait de Dorus le fils d’Ellen, dont Achæus et Ion n’étaient que les petits-fils. Descendus des montagnes de la Thessalie, où on les trouve établis dès le xvie siècle avant notre ère, les Doriens s’étaient emparés du Péloponnèse, environ quatre cents ans plus tard, conduits par les descendants d’Hercule, qui les avait jadis protégés contre les Lapithes. C’était une race sérieuse et mâle. Ils avaient des mœurs rigides, une religion austère et solennelle, un dialecte rude, le goût de l’agriculture, la passion de la gymnastique et de la guerre. Leur génie formait le plus éclatant contraste avec celui des tribus ioniennes, qui se caractérisaient par un culte pompeux, des mœurs plus faciles et plus élégantes, un esprit mobile et ouvert à toutes les jouissances morales, une langue harmonieuse, de l’aptitude