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Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/170

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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

en plate-bande nous a été fermée durant les quatre cents ans qui nous séparent du moyen âge. Déjà, sans doute, au xviiie siècle, deux architectes anglais, Stuart et Revett, et un architecte français, Le Roy, avaient exploré les antiquités d’Athènes et dessiné les monuments de la Grèce, mais le temps n’était pas encore venu où l’on pourrait comprendre la


doucine.
talon.
cavet.


beauté de ces monuments, si étrangère à nos habitudes invétérées. Il fallait qu’une esthétique passionnée et intelligente eût déblayé le terrain ; il fallait que la routine fût vaincue par l’étude. L’architecture grecque ne pouvait être comprise du premier coup, pas plus que la sculpture de Phidias, qui a passé, même de nos jours, pour un ouvrage de l’époque d’Adrien ! Enfin il nous est permis de penser aujourd’hui tout haut ce que disait naguère avec tant de chaleur, d’éloquence et d’autorité, un des maîtres de la critique contemporaine, M. Vitet (Études sur les Beaux-Arts) :

« Combien voilà-t-il de temps que nos yeux se sont accoutumés à la majestueuse rudesse du véritable ordre dorique ? Que d’hésitations, que de tâtonnements avant d’en venir là ! Ce proéminent chapiteau ombrageant de son vaste tailloir un coussinet rustique au galbe épais, fuyant et aplati, ces cannelures aiguës, ce fût conique, descendant jusqu’au sol sans base ni talon, sans cothurne ni sandale, depuis quand sentons-nous que c’est là de l’art grec et de la vraie beauté ? L’ordre dorique promulgué par Vitruve, tel que sur sa parole on l’enseigne en Europe depuis plus de trois siècles, a-t-il la moindre ressemblance avec celui-là ? Support banal, maigre colonne, chapiteau froid et effacé, tailloir timide et sans saillie, traduction romaine, en un mot, d’un admirable texte grec, tout est amoindri, tronqué, défiguré dans le dorique de Vitruve ; et pourtant, quand Vitruve écrivait, les grands modèles étaient debout. Depuis Pæstum et Sélinonte jusqu’au fond de la mer Égée, on n’avait qu’à choisir. Tout le sol hellénique était couvert des types du dorique véritable. Vitruve n’en dit rien. Pas un mot de ces vieux chefs-d’œuvre, pas même du plus jeune, du plus brillant de tous, du Parthénon ; il n’a pas l’air de savoir qu’il existe. En revanche, il soutient doctement que l’ordre dorique est impropre à la construction des temples, que les anciens l’ont ainsi reconnu. Les anciens ! qu’entend-il par là ? Le voilà donc qui rejette Ictinus par delà les anciens, dans les temps à demi barbares ! Les anciens, pour Vitruve, ce sont les Grecs d’Alexandrie,