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Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/35

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DE LA FIGURE HUMAINE.

et semble entrer pour son repos dans des palais de feu, soit qu’il se cache tristement derrière ces fantômes de nuages qu’aucune parole ne peut décrire, qu’aucun pinceau ne peut rendre, soit qu’il mette en mouvement ces sauvages concerts de couleurs, qui, aigris par quelques dissonances, ressemblent aux mouvements saccadés de la musique guerrière. La nature est donc supérieure à l’art dans cette région inférieure qui est le coloris. S’il ne lui arrive plus de faire un animal parfait, un cheval sans défaut, un homme accompli, elle fait encore des chefs-d’œuvre de couleur, et c’est elle qui décore notre univers. Il n’y a sans doute de grands peintres que parmi les hommes, mais la nature est restée le décorateur par excellence.


VI

DE LA FIGURE HUMAINE


« L’art, dit Winckelmann, doit commencer, comme la sagesse, par la connaissance de nous-mêmes. » Quel objet plus digne de nos études pourrions-nous choisir dans la nature entière, que l’être en qui sont résumées toutes les créations antérieures, en qui sont fondus tous les contrastes et toutes les harmonies, la variété et l’unité, le pair et l’impair, la liberté et la règle, la disparité et la symétrie ?

Le corps de l’homme, debout sur le sol, est le prolongement d’un rayon du globe perpendiculaire à l’horizon. L’axe de son corps, parti du centre de la terre, va rejoindre les cieux. Cette ligne verticale, qui est l’axe, divise le corps de l’homme en deux parties parfaitement symétriques. Passant à égale distance des organes doubles et au milieu des organes simples, elle montre, dans la largeur, une admirable pondération. Deux yeux reçoivent l’impression de la lumière, deux oreilles perçoivent les sons, deux narines s’ouvrent aux odeurs, et si une membrane unique est affectée aux saveurs, elle est manifestement divisée en deux segments par une ligne médiane. Cette ligne traverse tout le corps sans être partout apparente ; mais le trajet en est indiqué, comme l’observe Bichat, par des points de repère évidents, tels que « les rainures de l’extrémité du nez et du milieu des lèvres, la fossette du menton, le nombril, le replié du périnée, la saillie des apophyses épineuses, l’enfoncement moyen de la partie postérieure du cou. » L’homme, enfin, a deux épaules, deux bras et deux mains, deux jambes et deux pieds, c’est-à-dire une vie droite et une vie gauche, l’une pouvant, au besoin, suppléer l’autre. Mais, dans la longueur, il n’en est plus de même. Ici, l’inégalité