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LA CORÉE OU TCHÖSEN

lapidés par la foule qui les avait attrapés, ayant avec eux des enfants volés ; ces enfants, paraît-il, avaient été prêtés pour l’occasion et confiés à quelques agents inconscients destinés à être victimes de la fureur de la populace, qui voyait en eux les agents des missionnaires.

Le lendemain, une proclamation du Ministère des Affaires étrangères montrait que le Tai-Ven-Koun ne manquait pas de coadjuteurs gouvernementaux et qu’il allait peut-être arriver à son but. Cette proclamation est citée pour montrer le degré de civilisation que la Corée avait atteint en 1888 ; la voici :

« Dernièrement, il est arrivé à notre connaissance des rumeurs que le peuple perd ses enfants et que les étrangers les achètent et ensuite les font bouillir et les mangent ; plusieurs voleurs d’enfants ont été attrapés dans les rues. S’il était vrai que les étrangers mangent des enfants, nous ne pourrions retenir notre indignation, mais nous ne savons pas encore si c’est vrai. Lorsque la vérité sera connue, notre Ministère agira. Lorsque le peuple verra un voleur d’enfants, qu’il le suive et ainsi vérifie à qui les enfants sont vendus et ensuite qu’il vienne faire son rapport à ce Ministère. Nous nous mettrons en correspondance avec les représentants des nations étrangères, et, s’il y a des coupables, ils seront exécutés, n’importe à quel pays qu’ils appartiennent. Il vous est commandé de ne pas ajouter à l’agitation actuelle, mais bien de chercher à trouver les coupables. »

Cette proclamation, signée de la plus belle plume de M. Tcho-Pyong-Sik, le ministre des Affaires étrangères, fut considérée par les représentants des puissances étrangères comme une provocation directe à émeuter la populace, et, d’un commun accord, les représentants de la France, de la Russie et des États-Unis demandèrent à leurs vaisseaux de guerre dans le port de Tchemulpo des détachements de marins. Leur arrivée inopinée mit fin à la conspiration du Tai-Ven-Koun, qui espérait faire égorger une centaine de résidents européens, sous prétexte qu’ils étaient mangeurs de leurs enfants, et, dans le désordre qui suivrait, classer le roi, son fils, et se mettre à sa place.