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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

auraient courus s’ils avaient transporté un étranger à Quelpaërt. Grâce à la courtoise intervention de M. Murota, consul du Japon, j’appris qu’il me serait possible de louer un sampan, long de 6 mètres et calant 1m,80, appartenant à un de ses compatriotes. Comme il n’était pas d’autre alternative, je fis marché de suite avec le patron.

L’équipage comprenait, outre ce dernier et moi, cinq Japonais, mon interprète et mon cuisinier, soit en tout huit personnes. Je n’avais pas compté sur les risques plus que hasardeux d’un trajet accompli dans ces conditions, car il est inutile d’ajouter que mon petit bâtiment était certainement bien fragile pour affronter les dangers de la mer Jaune.

Nous quittons Fousan le 22 septembre, bien munis de provisions, en faisant route par la mer Intérieure. Bien que cet itinéraire rendît la traversée plus longue, je ne pus que m’en féliciter, car il me procura le plaisir inattendu de jouir de la vue d’une côte superbe et pittoresque, avec de nombreux ports qui contribueront beaucoup, quand ils seront ouverts au commerce, à augmenter les revenus de la Corée. Nous arrivons le 25, sans incident à Soando ou Port-Chrichton, comme le désigne la carte de l’Amirauté. J’avais espéré trouver là une jonque coréenne pour éviter les obstacles que je prévoyais devoir éprouver à mon débarquement à Quelpaërt, si j’arrivais dans cette île à bord d’un bâtiment monté par des Japonais, contre lesquels existe chez tous les Coréens un sentiment très prononcé d’hostilité. Mais ces prévisions ne se réalisèrent pas, et je me décidai à aller de l’avant avec mes matelots. Une bonne fortune inespérée me fit découvrir dans cette localité un pilote de Quelpaërt, un nommé Yang Man Touk, qui attendait une occasion pour y retourner. Je l’engageai aussitôt, et je suis redevable à ses bons offices d’avoir pu débarquer avec succès dans l’île. Le soir du 27, Touk, interrogé sur la probabilité d’un vent favorable, répondit : Taïne Ouriga Tchae-Tchiou ril nïïl pogesso, qui veut dire en langue tchösen : Excellence, demain nous verrons Tchae-Tchiou.

Faute de vent, nous ne faisons voile vers le sud, dans la direction de Quelpaërt, que le 28 septembre, à 4 heures du matin. La brise est beaucoup trop fraîche pour notre petit bateau et la mer est grosse ; néanmoins, le sampan continue sa route, et à midi, un peu plus de huit heures après,